Zen et hypnose

Zen et hypnose

 

par Lucie Lyvet

 

 

                Cet article explore quelques similitudes et différences entre la pratique du zen et celle de l’hypnose telle qu’ utilisée dans un cadre thérapeutique.

 

 

 

·        L’intention

 

L’état hypnotique est défini  comme un état amplifié de conscience, naturel, connu de tout un chacun. En effet, nous traversons pendant quelques instants un état hypnotique à chaque fois que nous nous endormons.  Il y a hypnose lorsque cet état est expérimenté par le sujet en relation avec un praticien.

 

 

 

                L’hypnose, en thérapie, est pratiquée en réponse à un phénomène vécu par le sujet comme problématique. Quelque chose pour lui fait problème. Il arrive donc avec une intention, une attente de changement.

 

                Cette attente est d’autant plus forte avec l’hypnose que dans d’autres formes de thérapie car l’hypnose véhicule une certaine fascination et fait parfois figure de solution miraculeuse. Les spectacles et hypnoses de rue, aussi intéressants soient-ils, entretiennent cette idée magique : « Si l’hypnose permet de faire faire des choses un peu dingues aux gens, elle peut facilement dissoudre mon problème ».

 

                Souvent la personne qui consulte aura une attente précise, et, aux premiers abords, non-négociable : « J’ai vu que vous faisiez de l’hypnose : Enlevez moi ceci, dé-programmez-moi cela ».

 

                Or, il arrive que cette attente soit elle-même incluse dans le fonctionnement exigeant, voire tyrannique, que ces personnes s’infligent vis-à-vis de leur « problème ». Et ces attentes fortes et pressantes le rigidifient, le  cristallisent alors un peu plus.

 

                C’est tout le rôle du praticien de ne pas faire le lit du problème et d’amener la personne, progressivement, en maintenant une bonne alliance thérapeutique, à revoir ses exigences, à s’assouplir pour entrer en amitié avec elle-même.

 

 C’est à condition de lâcher ses attentes, au moins en partie, qu’elle va pouvoir prendre soin d’elle et ainsi modifier son rapport à elle-même, aux autres et au monde.

 

 

 

Dans les enseignements du zen, un point clef est l’esprit Mushotoku que l’on traduit par « sans but ni esprit de profit ». Ne rien rechercher, ne rien attendre est la base de la pratique telle qu’elle a été transmise au fil des époques jusqu’à nous.

 

Assis en posture, nous ne nourrissons aucune intention, aucune espérance. Il n’y a alors ni problème ni solution. Etre au contact de ce qui est, tel que c’est, est l’aboutissement.

 

Et alors, inconsciemment, naturellement, automatiquement, zazen agit et rayonne au-delà du pratiquant lui-même.

 

La pratique du zen et l’hypnose thérapeutique, lorsqu’elle n’est pas centrée sur le symptôme, nous enseignent que lorsque nous défocalisons de nos problèmes, nous permettons au changement de se produire.

 

 

·        Le lâcher-prise

 

Lors d’une séance d’hypnose, à la différence des pratiques méditatives, le praticien induit l’état de transe. Par une série de suggestions, il va guider la personne l’amenant à amplifier peu à peu son état de relaxation.

 

Le rythme des ondes cérébrales ralentit peu à peu, jusqu’aux valeurs observées pour les états méditatifs (alpha et thêta). La personne expérimente un état de détente et de confusion et en même temps, une attention accrue pour les perceptions ressenties dans l’instant.

 

Lorsque la personne ne sait plus ni comment, ni quand, ni même si le processus va agir, le changement émerge alors, de nulle part, toujours surprenant, ne ressemblant en rien à ce qu’on a imaginé.

 

Comme le dit Steeve De Shazer : « Ce n’est pas parce qu’un problème est compliqué que la solution doit l’être ». Et parfois cette solution n’a aucun rapport avec le domaine du problème !

 

En zazen, alors que nous ne cherchons pas à résoudre quoi que ce soit, il peut arriver que nous  sentions des « solutions ».

 

C’est comme une impression fugace de comprendre quelque chose dans notre chair. Subitement, dans un éclair de lucidité, nous trouvons la juste position intérieure par rapport à ce qui se manifeste dans l’instant. Quelque chose vient d’être réglé, sans que nous puissions expliquer précisément quoi.

 

Le zen n’est pas une thérapie, pourtant, il arrive qu’il nous permette de fonctionner plus sereinement, plus simplement. Ces transformations personnelles ne sont pas essentielles. L’essence de la pratique est la pratique elle-même.

 

 

Zen et hypnose induisent un ralentissement de l’activité analytique du cerveau dont découle le lâcher-prise propice à la réorganisation profonde des structures internes.

 

 

·        Relation au praticien, au maître

 

En hypnose thérapeutique, un autre que soi, le praticien est missionné par la personne pour l’aider à s’aider.

 

Cet homme, cette femme, qui consulte arrive avec ses parts fragilisées, blessées, immatures et ses parts saines, compétentes, solides.

 

Pour le processus thérapeutique, il est nécessaire que la personne contacte ses parts fragiles.

 

Difficile de mettre en mots la souffrance. Comment en parler à ce praticien qui ne peut pas se représenter son problème ? Gêne et pudeur.

 

Le praticien, cahin-caha, sans trop savoir où il va, mène l’entretien puis la transe. De sa position pas toujours confortable, risquée, il se connecte à ses propres parts fragiles, son doute, son vacillement.

 

Ce chemin intérieur du praticien est une invitation pour la personne à faire de même. Elle peut se risquer à ressentir enfin son dedans. Etayée, soutenue par la qualité de présence du praticien qui balise le chemin.

 

Elle entend sa voix, ses paroles, pas toujours rationnelles, souvent grammaticalement bancales, ses onomatopées, ses images métaphoriques et autres bizarreries. Et si certains phénomènes déroutants se manifestent, c’est grâce à cet état de confiance que la personne trouvera le courage de ne pas intervenir et de laisser faire.

 

Ainsi, la transe ne vient plus buter sur quoi que ce soit. Elle coule à nouveau, fluide et transparente.

 

Quelques instants plus tard, les regards se croisent de nouveau. Si intime, quelques minutes auparavant, le praticien redevient cet autre, celui qu’on a missionné. Gêne et pudeur.

 

 

Début du zazen, trois coups de cloche.

 

Dans le silence du dojo, les pratiquants focalisent leurs regards à l’intérieur d’eux-mêmes, pleinement associés à leurs expériences.

 

La transe s’installe et infuse les corps en présence.

 

Puis, quand il sent que c’est juste de le faire, l’enseignant ou le maître rompt le silence.

 

C’est l’enseignement oral : I shin den shin, de mon âme à ton âme.

 

Le maître, amène les pratiquants à se défaire de leurs conditionnements, des anciens schémas de fonctionnement et de pensée.

 

Cette parole-là  n’est pas très rationnelle, elle non-plus. Ici, elle est faite de paradoxes, de koans, d’anecdotes et de métaphores. C’est que, comme en hypnose, on ne s’adresse pas à l’intellect.  

 

C’est une transmission intuitive, sensible, au-delà du sens premier des mots. Cet enseignement n’est pas reproductible, les mots agissent parce qu’ils sont prononcés à ce moment-là, de cette façon-là, pour ces personnes-là.

 

Les mots non- interceptés atteignent leurs cibles, exactement, parfois, comme de véritables déflagrations.

 

La pratique du zen et celle et l’hypnose thérapeutique sont différentes dans leurs formes et se rejoignent dans leur essence, lorsque cette dernière permet à la personne de ne plus s’identifier à son problème.